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21 juin 2009

LE TROP PLEIN D'INJUSTICE PRODUIT LA RÉSIGNATION

par Robert ROCHEFORT

Député Européen

rochefort.jpgLa rentrée verra un fort retour des thèmes sociaux. Mais pour beaucoup d'entre eux, il sera plus judicieux de parler d'inégalités que d'injustices. Et d'en mesurer précisément les évolutions.

Qui va encore croire l'Insee lorsqu'il affirme qu'en un an les prix sont en recul de 0,3%, ce qui signifie qu'à revenu inchangé les Français ont gagné en pouvoir d'achat ? L'explication tient à la chute des prix de l'énergie (- 17,1%), tandis qu'en ce qui concerne les services la progression est toujours de mise (+ 2,5%), de même que, plus modestement, pour les produits alimentaires. Evidemment, pour tous ceux qui n'utilisent pas de voiture, il n'y a pas de gain sensible. Et si, demain, ce recul des prix sert à ne pas augmenter suffisamment les prestations sociales ou les retraites, beaucoup crieront à l'injustice.


Auront-ils tort ? Cela dépend du point de vue. Lorsque les données économiques sont trop globales et font référence à des situations moyennes qui n'existent jamais dans la vie réelle, elles ne sont plus crédibles dans des sociétés où désormais tout part de l'individu, de son ressenti, de sa vie concrète. D'où la propension si fréquente à se ressentir «victime» de l'injustice, des injustices, de toutes les injustices.

Il arrive pourtant que l'on identifie bien des groupes qui souffrent plus que d'autres d'une situation donnée. C'est le cas, aujourd'hui, des jeunes avec la montée du chômage. Tous ceux qui quittent ces jours-ci le système de formation se doutent qu'ils attendront de longs mois leur premier emploi, ou même l'obtention d'un simple stage. Injustice là encore ? Oui, certainement. Surtout que l'OCDE vient de critiquer la France pour avoir décidé que le RSA - principal outil supposé pour échapper à la pauvreté - leur serait interdit.

La rentrée verra revenir les sujets sociaux. Avec 2 000 suppressions d'emplois par jour, la dureté de la crise - bizarrement mise entre parenthèses durant quelques semaines - fera son grand retour. La préoccupation majeure face à l'emploi s'accompagnera d'une inquiétude renforcée sur les conséquences des réorganisations des services publics, notamment dans le secteur de la santé. Les personnes âgées, les ruraux, les habitants des quartiers sensibles, les personnes seules craindront plus que les autres d'être victimes de ce qui, dans le modèle solidaire français, garantissait l'égalité dans tous les territoires. Toujours une injustice ? Sans aucun doute, mais pour ces situations collectives, il serait judicieux de parler plutôt d'inégalités et d'en mesurer finement les évolutions.

Car tout rapporter à une lecture unique en termes d'injustice confond trop les situations collectives et personnelles, et ramène les premières vers les secondes. Cela s'accompagne d'une généralisation de la posture de la victimisation, qui, au lieu de déboucher sur de la mobilisation, produit de la dépression individuelle et de la désespérance. Nous en sommes là. C'est pourquoi il ne sera pas contradictoire de rencontrer en septembre tout à la fois un fort retour des thèmes sociaux et un faible niveau de réaction collective.

Certains s'en réjouiront, d'autres pas.

(Revue "Challenges")

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