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22 juillet 2008

LES FAUX SEMBLANTS

(Tribune Libre)

Ainsi donc cette réforme de notre Constitution que nous attendions depuis tant d’années et à propos de laquelle tant d’encre a coulé, tant de belles paroles assorties de tant de belles promesses entendues ici ou là, cette réforme a failli n’être pas adoptée, malgré manœuvres, pressions, authentiques chantages venus de si haut et combien indignes de notre République. Une voix ! Une seule voix pour obtenir gain de cause pour une réforme bâclée. Quel gâchis !

Pourquoi une si faible “majorité” ? Y a-t-il eu finalement un sursaut de quelques-uns de nos députés qui ont compris à la dernière minute, plus nombreux que prévus, ce faux-semblant d’une réforme déjà perçue comme ratée ? On pourrait le croire. Mince consolation que voilà.

Goût amer que cela nous laisse. De quoi avons-nous hérité dans cette Constitution ainsi corrigée ? Pour le moins d’un sommet d’hypocrisies entretenues de calculs parfaitement inavouables.

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Oh, je ne dirai pas qu’il n’y a, ici ou là, dans cette réforme aucune chose souhaitable. Heureusement. Mais elles sont si rares. Je relève notamment cette deuxième réforme de notre Constitution - qui n'est qu'un compromis plutôt "alambiqué" - à propos des futurs élargissements de l'Union Européenne, avec la Turquie en arrière-plan. Sans omettre non plus la possibilité d'organiser des "référendums d'initiative populaire" mais qui nécessitent préalablement 4 millions de signatures pour être effectifs : parions qu'avec une barre si haut placée nous n'aurons pas trop souvent à nous rendre aux urnes.

À n’examiner que quelques-unes des réformes adoptées ce lundi 21 Juillet, ou plutôt celles qu’on a pas eu le courage d’adopter par simples calculs politiciens, je citerai en tête de tous les maux de notre démocratie ce refus d’inscrire dans notre Constitution l’introduction d’une petite dose de proportionnelle dans notre Assemblée. Ô, on a bien évoqué cette éventualité pour aussitôt la ranger dans le domaine du "réglementaire", domaine dont on sait le caractère aléatoire, livré au gré des majorités de circonstance. C’est-à-dire, dans les circonstances actuelles, une réforme renvoyée aux "calendes grecques".

J’entends encore aujourd'hui des députés amis, alors membres de l’UDF et que je rencontrais fréquemment, et qui, en toutes circonstances, mettaient cette introduction d’une part de proportionnelle en tête de toutes les priorités pour redonner un sens au mot “démocratie”. Et quelles campagnes n’ont-ils pas menées autour de cette rénovation essentielle ! Hélas, afin d’assurer leur réélection, devenus les supplétifs du parti dominant, ils versent aujourd’hui une larme de crocodile sur cette réforme rejetée par leurs tuteurs  “amis”. Non qu’ils n’en aient pas un regret sincère, mais, entre temps, les calculettes ont fonctionné et ils se sont aperçu qu’une telle réforme, même à petite dose, aurait donné à François Bayrou un groupe parlementaire plus important que le leur actuel. Et comme ils ne sont pas fous, ils ont renié promesses et convictions.
 
Autre réforme adoptée : la maîtrise de l’ordre du jour du Parlement. Dans le contexte d’une Assemblée où, par le jeu d’une loi électorale inique, moins de 30% des électeurs sont représentés au Parlement par 70% des sièges, on a osé affirmer qu’en accordant 15 jours par mois à l’ordre du jour fixé par le Gouvernement, plus 14 jours à celui fixé par la majorité parlementaire (toute dévouée au Gouvernement dont elle est l’otage de fait), en accordant enfin 1 seul jour par mois à l’ordre du jour présenté par l’opposition, il paraît qu’on a fait "œuvre d’ouverture". Un sommet d’hypocrisie.

Autre réforme encore : la nomination des dirigeants des grandes entreprises. Ceci a pris une tournure particulière quand on sait que, notamment, les directeurs de l’information (radios et télévisions publiques) seront désormais désignés, comme au bon vieux temps de l’ORTF, directement par le Président. Le Parlement aura un "droit de veto” à une majorité des 2/3 pour avaliser ces nominations. Belle  farce que voilà quand on sait que, par la loi électorale actuelle, ce ne sera que simple formalité. De qui se moque-t-on ?

Autre réforme qui, à mon sens, ouvre la voie à toutes les aventures : un député nommé Ministre selon le bon plaisir de l’occupant momentané de l’Élysée, pourra, dès que révoqué, retrouver automatiquement son siège au Parlement sans passer par un nouveau vote de ses électeurs. Il y aura désormais à l’Assemblée deux sortes de députés : les titulaires qui ont échappé à cet “honneur” bien passager d’être Ministre, mais aussi et surtout des suppléants qui ne seront plus qu’une sous-catégorie de députés intérimaires de second rang car révocables, sur simple décision de l’Élysée, à chaque changement de ministre. Au train où vont les choses, on pourra, au gré du prince du moment, avoir des “tournantes” de ministres selon qu’on aura ou non ses faveurs. Quelle dérive !

Autre réforme encore : le Président de la République ne pourra plus exercer que deux mandats consécutifs. Tout porte à nous féliciter d’une telle mesure. Mais elle n’est pas sans inconvénients : quand un Président arrivera aux approches d’une ou deux années du terme de son second mandat, quelle autorité lui restera-t-il pour gouverner ou représenter la France quand ses partenaires sauront qu’il en est “à la fin” ? L’exemple que nous livrent régulièrement les USA montre toujours, en telles circonstances, des Présidents affaiblis et sans plus aucune autorité réelle. Et encore les Présidents US ont-ils la chance d’avoir à leur côté un Vice-Président qui peut toujours laisser entendre son intention de succéder au Président titulaire, ce qui permet de limiter les dégâts d’une telle impuissance constitutionnelle. Je crains fort qu’en France, quand on sait le rôle clef que joue le Président solitaire, une telle impuissance vienne à paralyser régulièrement le fonctionnement de nos institutions. Était-ce si indispensable d’en faire une réforme inscrite dans le marbre et ainsi ôter aux citoyens le droit d’en décider eux-mêmes le moment venu.

Je passe pour mémoire un certain nombre de gadgets, comme le droit inscrit désormais dans notre Constitution qui accorde au Président celui de s’exprimer devant le Congrès. Quand on sait la force de l’image et de la parole dont usent nos Présidents par le biais de la télévision, qu’est-ce cela va changer que cette solennelle réunion du Congrès ? Et si encore c’était pour rendre régulièrement compte de l’état de la France devant la représentation nationale ? Non : l’ordre du jour de ces interventions sera laissé à la discrétion du seul Président. Un gadget sans intérêt. Et quel sera désormais le rôle du Premier Ministre face au Parlement si celui-ci sera régulièrement appelé à se faire "doubler" par le Président ? La fonction de Premier Ministre prend désormais un aspect surréaliste : tant qu'à faire, il fallait aller jusqu'au bout de cette logique du "Président omni-présent". Les tenants d'une "VI° République" trouvent là un argument de poids. Sont-ils tant que çà dans l'erreur ?

Je passerai encore sous silence ce qui était un projet cher à l’UDF et à ses députés (avant qu’ils ne se divisent) : l’exigence de ne voter désormais que des budgets en parfait équilibre. C’est une victoire à la Pyrrhus que celle obtenue par les amis de Mr Morin : ils ont obtenu cet équilibre sur des budgets pluriannuels, c’est-à-dire qu’on pourra continuer à voter chaque année des budgets en déficit sur la simple promesse que le dernier effacera les déficits précédents. On a réinventé le système du “demain on rasera gratis”. Une vraie farce.

J’arrêterai ici l’énumération de mes observations sur ce gigantesque loupé qu’est cette fausse réforme constitutionnelle.
 
La France se devait d’avoir rendez-vous avec elle-même pour établir plus de démocratie dans ses institutions. Elle a raté ce rendez-vous. Ce n’est plus qu’alignement de faux semblants. Un gigantesque gâchis.
 
François VAN DE VILLE
(extraits du site http://www.francois-van-de-ville.com/) 

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