24 juin 2010
RETRAITES : "Si on ne redonne pas du travail...."
François Bayrou : "Si on ne redonne pas du travail aux plus de 55 ans et aux moins de 30 ans, on n'aura aucune chance de rééquilibrer les retraites"
François Bayrou était l'invité ce jeudi de la matinale de Sud Radio. Il a notamment répondu aux questions relatives au projet gouvernemental de réforme des retraites et sur la place du Centre dans la vie politique française.
Sud Radio : Bonjour François Bayrou, merci d'être avec nous. Mobilisations intersyndicales aujourd'hui contre le projet du gouvernement, le 16 juin vous avez pris vos distances avec cette réforme que vous ne trouvez pas équitable : si le seuil des 62 ans est acceptable, la décision concerne la modification du seuil de 65 ans porté à 67 ans ne l'est pas selon vous ?
François Bayrou : Vous avez dit ma position, je pense qu'une réforme est indispensable. Il y a deux courants : il y a ceux qui pensent qu'on peut éviter une réforme et je pense qu'on ne peux pas l'éviter quels que soient ceux qui gouvernent. Il y a deux décisions majeures : La première c'est de passer progressivement de 60 à 62 ans, ce n'est pas agréable mais acceptable.
En revanche, je trouve inacceptable qu'on touche à la retraite, à cet âge dont on parle peu de 65 ans, que l'on pouvait prendre non pas à taux plein mais bénéficiant de ses droits sans pénalité. Cela s'adresse aux Français les plus fragiles qui ont eu des carrières chaotiques et aux femmes qui ont élevé leurs enfants. Et c'est un leurre, car ils ne sont pas au travail ceux-là, il sont au chômage, ce qui veut dire que c'est un transfert de la caisse retraite à la caisse chômage.
Vous en avez parlé avec Nicolas Sarkozy ?
J’en ai parlé avec lui, je n'ai pas pu le convaincre, mais j'ai vu le président mais aussi François Fillon, ainsi que le ministre des retraites et celui qui a en charge le dossier des retraites, qui porte la réforme. Je pensais qu’ils allaient bouger. C’est un sujet dont on parle peu. Mais la CFDT en a fait son plan de bataille, il reste trois mois pour que ça change.
Vous tendez la main à tous les républicains, vous vous retrouvez dans le terme de "République solidaire" lancé par Villepin ?
On a besoin de valeurs républicaines, celles que l’on a écrites comme un peuple idéaliste au fronton de nos bâtiments. On ne peut pas dire que ce soit respecté et on a besoin d’une démocratie où les décisions se prennent auprès des citoyens. Démocrates et républicains sont les réformistes ; tous ceux qui y appartiennent ont quelque chose à faire et ils faut qu’ils réfléchissent ensemble.
Azouz Begag est pour un rapprochement avec Dominique de Villepin…
Je vois bien que les Français veulent des responsables politiques qui ne se font pas la tête, et il y a un sujet absent des retraites : comment on redonne du travail et de la production en France ? Si vous n’arrivez pas à relocaliser en France nos productions qui sont parties, vous n’avez aucune chance de rééquilibrer les retraites.
Le président est venu vous rencontrer, cette rencontre colle-t-elle avec ce que vous avez écrit sur Nicolas Sarkozy ?
Est-ce que vous connaissez l’usine de Bordes ? Je vous y invite. On ne se rend pas compte, mais c’est la plus grande usine de France et de moteurs d’hélicoptère au monde. Est-ce que cela aurait été dans son rôle de refuser de venir, parce que c’est ma circonscription ? Est ce que j’aurais été dans mon rôle en refusant de le voir par ce que je suis en confrontation ferme et parfois même virulente avec lui ? Ma certitude est que les responsables politiques doivent faire leur devoir, même s’ils sont en désaccord.
J’ai été surpris d’une chose : Les ouvriers et les cadres étaient fiers de montrer leur cathédrale industrielle. On doit s’effacer quand il y a des fiertés nationales comme celle-là. Comme vous le savez, cela fait des années que je plaide pour que les responsables politiques acceptent de parler ensemble. La crise elle est devant nous, personne ni Sarkozy, ni Aubry, ni moi n’avons la solution toute faite ! Alors, on a le devoir d’essayer ensemble de trouver les solutions novatrices et justes pour le pays.
La crise des Bleus et le président qui s’en occupe, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Dans un pays normal, le devoir politique ne s’occupe pas du foot ; le rôle de la République, ce n’est pas de se mêler de la sélection de l’équipe de football. Vous n’imaginez pas Obama se mêler de la sélection de l’équipe de basket, même si là-bas c’est un sport très populaire... Il y a cette tendance française à vouloir que ce soit le pouvoir parisien centralisé qui décide. J’espère qu’il vont trouver des responsables du foot pour gérer les réponses qui s’imposent. Cette crise-là, c’est un reflet du problème de la société française.
Eric Woerth doit-il démissionner ?
En tout cas il y a eu un problème, car le pouvoir politique doit être séparé du monde de l’argent, des grands intérêts financiers par une muraille de verre infranchissable. Ce n’est pas le cas en France. Depuis le début, je me suis inquiété de ces dérives-là, et c’est inquiétant pour la République française.
17:45 Publié dans ARGUMENTS & IDÉES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : udf, mouvement démocrate, bayrou, politique
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