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14 février 2019

JUPPÉ : LA FIN D'UNE ÉPOQUE

TRIBUNE LIBRE

"JUPPÉ : LA FIN D'UNE ÉPOQUE"

par Jean-Michel BRETONNIER

juppe.jpgLa politique, si décriée, pourrait ne plus attirer "les meilleurs d’entre nous". Les poujadistes et démagogues auraient-ils enfin raison ?
 
On peut être "droit dans ses bottes" et très émotif. Il est même possible que les deux traits de caractère soient liés. Alain Juppé est longtemps passé pour une machine intellectuelle brillante, mais froide. Le Premier Ministre qu’il fut avait un peu de mal à penser qu’il pût se tromper. Y compris quand ses décisions sur les retraites et la sécurité sociale avaient provoqué la colère des syndicats, soutenus par l’opinion. Les Français et la classe politique lui firent payer cher ce grand tort d’avoir eu raison trop tôt.

Jusqu’à ce qu’il ressuscite d’entre les morts politiques et qu’il devienne l’archi-favori de la dernière présidentielle. Mais, considéré comme "trop dur" en 1995, il fut jugé "trop mou" par les sympathisants des Républicains lors de la primaire de la droite en 2016. Il faut dire qu’en vingt ans, la procrastination des gouvernements successifs avait créé une situation économique marquée par une faible croissance et de lourds déficits, et une situation sociale tendue par un chômage de masse. Avec, pour résultat, une crise politique et culturelle.

Pour Alain Juppé, abandonner Bordeaux est "un crève-cœur". Le lien affectif que lui refusèrent longtemps les Français, les Bordelais l’avaient noué. Il avait redonné un élan à cette ville et il avait, dit-il, "encore plein de projets". Parce qu’il arrive à ces politiques - qu’il est de bon ton aujourd'hui de haïr ou de mépriser - d’être des hommes ou des femmes de conviction et de tempérament. Quand ils sont du calibre d’Alain Juppé, leur action et leur style profitent de ce rare et précieux mélange entre enthousiasme et lucidité.

Alain Juppé quitte la politique en évoquant "un esprit public devenu délétère". Lui qui affectionnait Bordeaux, sa ville, pierre par pierre pour l'avoir transformée en profondeur, le saccage dont elle fait, semaines après semaines à l'occasion des manifestations des "gilets jaunes", l'a profondément blessé dans sa chair.

Il faut craindre que cette déliquescence du monde, accentuée plus vivement depuis peu de mois, qu'elle soit politique ou sociétale, ne finisse par dissuader "les meilleurs d’entre nous" de s’engager désormais dans l’action publique.

Et il n'y a pas qu'à Bordeaux que cette déliquescence générale pousse "les meilleurs" à ne plus se préoccuper désormais du bien public et laisser les "nouveaux prophètes du moment" à leurs jeux pour un avenir plus qu'incertain.