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23 mai 2019

CE N'EST PAS UNE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

TRIBUNE LIBRE

de  Hervé FAVRE

élection.jpg"CE N'EST PAS UNE ÉLECTION

PRÉSIDENTIELLE"

- Tous les candidats affichent des programmes. Pourtant  ils ne pourront pas les appliquer sans alliances à 28.

"Avec nous, l’Europe sera plus écologique".

"Avec nous, l’Europe sera mieux protégée".

"Avec nous, la France retrouvera ses frontières".

Voilà ce qu'on lit sur les affiches ou les tracts qui nous sont distribués ou envoyés.

Les têtes de listes rivalisent toutes et tous de volontarisme et de promesses de changement. Mais lorsqu’on leur demande avec qui ils mettront ces beaux programmes en pratique, les réponses se font nettement plus évasives.

Avec notre habitude du scrutin majoritaire à deux tours, les campagnes européennes, en France, prennent trop souvent les allures d’une campagne présidentielle ou législative. Une tendance encore accentuée par la présence sur nos écrans de débats entre chefs de partis, à la place des têtes de listes reléguées au deuxième rang. On en a retenu, entr'autres, la passe d’armes entre Mme Marine Le Pen et Mr Laurent Wauquiez, comme s’il s’agissait de la répétition d’un possible duel de second tour en 2022.

Pour éviter cette confusion, peut-être faudrait-il passer carrément à des listes vraiment européennes, avec des candidats d’une même famille politique, mais issus de plusieurs pays ? Entendre alors nos représentants français débattre à la télévision de leurs projets européens avec des responsables allemands, italiens, espagnols, etc.… Un jour peut-être....

En attendant cette nouvelle étape, les électeurs français doivent bien comprendre que l’Union Européenne n’est pas une France à 28, qu’aucun des élus que nous allons envoyer dimanche à Strasbourg et/ou à Bruxelles ne siégera comme à notre Assemblée Nationale, au bord de la Seine, dans un groupe majoritaire : il leur faudra rechercher des alliances, qu’ils soient sur les bancs de la droite européenne (PPE), des socialistes et démocrates, des verts, des libéraux et des centristes, de la "gauche unitaire européenne" ou encore des souverainistes, aujourd’hui éclatés en plusieurs familles.

La taxe carbone aux frontières, la réforme de Schengen, l’harmonisation fiscale, le SMIC européen sans parler du RIC ? Plus facile à voir et dire à Paris, qu’à pouvoir voter à Bruxelles.... faute d'un très large consensus européen.

En France, on se trompe d'élection, une fois de plus, en mettant en exergue des candidats franco-français opposés, comme s'il s'agissait de "présidentielles".

Cette erreur risque de stériliser l'élection elle-même.

19 mai 2019

LES PATRIOTES EN CARTON-PÂTE

TRIBUNE LIBRE

de  Jean-Michel BRETONNIER

- LES "PATRIOTES" EN CARTON-PÂTE

nationalime.jpgL’étonnante affaire du Vice-Chancelier autrichien - ami étroit de pensée de Mme Le Pen - témoigne de cette étrange complaisance des nationalistes européens dits "patriotes" envers nos populations elles-mêmes, séduites par leurs beaux discours lénifiants.

Le scandale qui vient de coûter sa place au Vice-Chancelier autrichien d’extrême droite, Mr Heinz-Christian Strache, est un événement électoral considérable, ce à la veille des européennes. Mais il est aussi le révélateur d’une menace politique étrangère qui pèse sur l’Europe.

Dans des manifestations spontanées, les Autrichiens ont dit aussitôt leur écœurement : devant les faits probants de la collusion de son partenaire de droite avec la Russie, Mr Kurz, 1er Chancelier autrichien au visage sympathiquement poupin, a été contraint de rompre sa coalition créée en Décembre 2017 et de convoquer de nouvelles élections générales.

Sans doute ses partenaires de circonstance qui s'étaient rapprochés de lui étaient-ils déjà des adversaires d’une extrême droite au pouvoir. Mais certains de leurs électeurs hésiteront probablement à apporter, cette fois-ci et devant la brutalité des faits, leur voix à des candidats du FPÖ, le parti que présidait ce numéro 2 du gouvernement, lequel a été pris les doigts dans le pot de confiture.

Il faut dire que l’Autrichien pur sucre, le nationaliste impeccable, ce pourfendeur des corrompus, a fait très fort : au mépris de toute morale individuelle, de tout devoir envers son pays, il était prêt, pour qu’on l’aide à conquérir le pouvoir, à apporter sur un plateau, à un ressortissant russe, de juteux marchés et même un important journal populaire. Ce "patriote" - qualificatif qu'affectionne particulièrement Mme Le Pen - auto-convaincu de lui-même ne voyait aucun inconvénient, bien au contraire, à ce qu’un oligarque étranger intervienne dans les affaires intérieures de son pays.

Ces ennemis de la construction européenne, au nom de la "souveraineté nationale", sont le plus souvent de grands admirateurs des hommes forts, la plupart étrangers de préférence à l’Europe : ils ont un problème avec cette démocratie qui avance difficilement, prudemment, de débat en débat, et de crise en crise. Ils n'ont de faible que pour les régimes autoritaires, plus rudimentaires.

Les uns rêvent d'un Trump, les autres d'un Poutine. Or, il se trouve que le Président US déteste l’idée même d’une union d’États européens et fait tout pour la disloquer, et que le Président russe voudrait voir cette Union morte et enterrée pour être plus libre et y imposer ses intérêts.

Nos nationaux-populistes actuels ont en commun, avec ceux de l’avant-guerre de triste souvenir, cette étonnante capacité de se tromper d’adversaire : plutôt Moscou que Bruxelles, plutôt Trump que Merkel.

L'Histoire nous a appris la suite, pour qui ne veut pas l'ignorer.

À bon entendeur, salut !

05 mai 2019

TROP DE CANDIDATS : MOINS D'ÉLECTEURS ?

TRIBUNE LIBRE

"TROP DE CANDIDATS : MOINS D'ÉLECTEURS ?"

par  Jean-Michel BRETONNIER

candidats.jpgLes élections européennes offrent une possibilité de tribune aux ambitions politiques les plus diverses, lesquelles ont tendance, hélas, à se multiplier. 

Trente-trois listes - rien que çà ! - vont se disputer les 79 sièges français au futur Parlement Européen.

La campagne électorale n’a pas encore démarré, mais on on se demande si elle débutera un jour : seuls les candidats ne manquent pas, mais quant à leurs programmes, quels sont-ils ?

Rien que pour les "Gilets Jaunes", on compte trois listes différentes, avec autant de programmes qui ne le sont pas moins. À l’extrême droite, dans une tradition bien établie, chacun veut être "LE chef", et chacun part sous ses propres couleurs. Arriveront-elles toutes à placer leurs bulletins dans les bureaux de vote ? On peut en douter. À gauche, on sait que la diversité de l’offre politique est inversement proportionnelle, comme l'on sait, à son efficacité : eux, de ce côté-là, ne changent pas.

Cette multiplication des listes vient démontrer magistralement la fin des grands et des traditionnels clivages politiques, décrite par les observateurs ces dernières années. Aucun courant de pensée ne semble assez fort aujourd’hui pour fédérer un grand nombre d’électeurs derrière sa traduction politique. De plus, en se déployant jusqu’à la caricature, cette offre électorale, pléthorique à souhait, ne fait que dissuader le citoyen de s’y intéresser. Son éloignement de la chose publique est ainsi justifié par la division et l’égocentrisme des acteurs eux-mêmes.

En fait, plus on compte de candidats, moins, vraisemblablement, on votera. Et plus les propositions électorales se divisent en sous-chapelles, plus nombreux seront les partisans de la reconnaissance du vote blanc. Même s'il y a une infinité de bulletins, il en manquera toujours un : sans doute celui-là qui exprimerait plus complètement, plus parfaitement, le choix politique individuel du citoyen, et au moment précis de son vote : mais on sait que cela n’existera jamais.

On est loin, très loin même, du choix enthousiaste pour un candidat représentant une espérance commune, ou très loin aussi du choix raisonnable pour un candidat le moins éloigné de ses propres aspirations.

J'imagine l'électeur se présentant dans un bureau de vote et devant faire face à la forêt insondable des 33 piles de candidats différents qui lui seront proposés sur une longue table, mais dont l'immense majorité lui est totalement inconnue, tout comme ce qu'ils proposent : on comprend mieux alors le motif de ceux qui seront tentés par l'abstention, fusse-t-elle toujours regrettable.

Ainsi l'on tue, sans le savoir, la démocratie.