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22 janvier 2008

LES POLOCHONS NÎMOIS

Les nîmois sont aujourd’hui gâtés : quand certains se plaignaient, comme souvent dans une belle ville de province grandie à l’ombre de ses monuments et bercée par la douceur méditerranéenne, qu’il ne s’y passait pas grand-chose, la lecture des journaux a, ces derniers temps, de quoi les réjouir.

L’approche des élections a, en effet, transformé la scène publique en une sorte de “commedia dell’arte” où, partout, on joue différentes versions de la même pièce “Je t’aime, moi non plus”. Ici, c’est sur le ton d’une tragédie ; là sur la forme d’une franche rigolade.

Ici, donc, c’est le parti socialiste qui jette à la rue ceux qui faisaient, il y a peu encore, sa fierté, celle que l’on a de fidèles militants qui, dans les mandats qu’on leur a confiés - et que, pour certains, ils exercent encore - n’avaient jamais démérité, tout au contraire. Et exit l’ex-député, quoiqu’encore dans la fleur de l’âge, ex-premier adjoint, principal porte-parole encore de l’opposition municipale. Exit un autre ex-adjoint qui, dans son rôle d’opposant, n’a jamais eu sa langue dans sa poche, même si elle savait toujours demeurer courtoise. Exit tous les militants de sections entières condamnées à l’opprobre de leur défaveur du moment. Mais, plus grave, exit la candidate portée aux nues aux toutes récentes législatives dont tous, quel que soit le bord politique, reconnaissent l’intelligence de la campagne et le score brillant qui l’a couronnée. Tous ces gens-là sont, soudain, interdits de tout futur mandat, que ce soit aux municipales ou aux cantonales.

Et on les rencontre désormais errant comme de pauvres âmes en peine, rasant tête basse les murs à la quête d’un sourire désormais interdit quand venant de la part de l’un de leurs “camarades” mais que, peut-être, ils recueilleront avec reconnaissance venant de la part de l’un ou l’autre de ceux qu’ils combattaient jusqu’ici. : ils deviennent même courtisés par ceux-ci !

C’est une tragédie comme on en trouvait jadis dans l’antiquité où, selon le caprice du prince, on pouvait du jour au lendemain passer de l’honneur des ors à la honte du bannissement.

Oh, pour sauver la face, les nouveaux princes socialistes, dans leur magnanimité, saluent quand même aujourd’hui chez ceux qu’ils ont ainsi exclus, leur “esprit de discipline” pour avoir du se plier à la dure loi des nouveaux “camarades” (recrutés spécialement pour la circonstance). Mais, le 17 Mars, après avoir du boire la coupe jusqu'à la lie, tous seront bien seuls avec leur amertume, condamnés à rester chez eux. Peut-être leur paiera-t-on généreusement un polochon pour améliorer le confort de leur litière.

Par ailleurs, l’autre version de la même pièce aurait pu inspirer une comédie de Feydeau, lui qui aimait tant mettre en scène des histoires de perpétuels cocus. Et, là, on fait rire tous les nîmois avec délectation.

C’est l’histoire de deux hommes qui ne se sont jamais supportés, se détestent mutuellement et ne se désignent dans l'intimité que par des noms fort peu sympathiques. Et c’est à celui qui fera à l’autre la pire vacherie, sèmera le sol de peaux de banane en plus grand nombre en espérant que l’autre finira bien, un jour ou l’autre, par s’y casser la figure.

Et l’un tente de faire plier l’autre plus bas que terre, jusqu’à l’humiliation de vouloir le faire répudier ses propres amis ; l’autre réplique aussitôt en rétrogradant honteusement ce partenaire si mal intentionné dans la hiérarchie des honneurs auxquels il prétend, cependant, avoir droit. Le mieux est que ceci est parfaitement orchestré à coups d’engagements solennels signés devant ministres et sous les flashes des photographes. Promis-juré : on sera désormais copain-copain, main dans la main. Çà en devient même touchant.

Las : sitôt les lumières éteintes, on médite aussi vite comment contourner cette contraignante signature et d’imaginer on ne sait quels stratagèmes pour s’en libérer au plus vite. Ou en espérant que l’autre se ramassera un jour ou l’autre et qu’enfin on aura carte blanche pour prendre sa place et régner en maître.

Voici donc que la presse, ce dernier week-end, une fois de plus après maintes brouilles où chacun s’est juré la peau de l’autre, rapporte qu'on s’est de nouveau promis fidélité, comme deux jeunes tourtereaux redécouvrant comment consommer l’amour : ils seront tous les deux gentils. Promis-juré !

Il ne se trouve plus aujourd’hui un seul nîmois pour prêter foi à cette sinistre tartuferie. Même leurs plus proches amis s’en éloignent, lassés de tant de trahisons renouvelées avec une si belle constance. Feydeau, après avoir fait rire, en est devenu triste.

On vous disait qu’on ne s’ennuie plus à NÎMES : mais le spectacle est pitoyable, à en faire sortir les mouchoirs de vos poches pour éponger votre tristesse.

Pauvres nîmois condamnés à devoir (?) remettre le sort de leur ville à ces mauvais comédiens. NÎMES mérite quand même mieux que de servir d’alcôve pour ce champ de bataille entre ceux qui ne cessent de se jurer fidélité, à coups de polochons.

Jean BART
Un nîmois ordinaire.

(Cette chronique est publiée dans le cadre de la "Tribune Libre" et n'engage que son auteur. Le webmaster)

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