23 septembre 2018
LE MoDem, LE PARTENAIRE REDEVENU INDISPENSABLE
TRIBUNE LIBRE
de Jean-Michel BRETONNIER
Journaliste
Président de la Commission de l'Information du GGQR
Le rassemblement que veut réaliser le Président de la République en vue des européennes doit commencer par son seul véritable allié.
La République en Marche (LREM) vient de se rappeler de l’existence du MoDem. Elle pensait n’avoir plus besoin de lui : à l’Assemblée Nationale, c’était arithmétiquement vrai, tant le groupe majoritaire des marcheurs écrase la concurrence.
Politiquement, c’était en revanche une erreur de jugement. Électorallement, c'est un suicide annoncé.
Les journées parlementaires (ndlr : en pays breton atlantique) du MoDem qui se sont tenues ce week-end ont été le moment idéal pour rappeler au "grand frère" qu’il n’existe pas sans lui.
Après plus d’un an de vie commune majoritaire, le capital de patience des parlementaires du MoDem était épuisé. Ceux de LREM – mais aussi l’exécutif – avaient tendance à les considérer comme des supplétifs. Jean-Louis Bourlanges fit savoir qu’il en avait assez. Le Président du groupe à l’Assemblée (ndlr : Marc Fesneau), candidat au perchoir, obtint deux fois plus de voix que le MoDem ne compte de députés. Le délégué d’En Marche reconnut alors une forme d’arrogance.
Ce respect soudain pour le « petit » partenaire survient au moment où l’Élysée, et la majorité parlementaire, ont perdu de leur superbe en descendant sur la terre ferme et ingrate de l’exercice du pouvoir. On voit mal un Président convaincre les Français de sa volonté d’écouter le pays, alors qu’il ne ferait même pas l’effort de prendre en considération les attentes et les alertes de son seul allié. D’autant que François Bayrou (ndlr : Président du MoDem) demandait depuis longtemps au Président de la République de rééquilibrer sa politique, pour plus de protection des citoyens.
C’est ce que fait aujourd’hui Emmanuel Macron. Il a entendu les conseils du sage venu de l’ancien monde. Il a aussi mesuré à quel point il avait besoin d’un MoDem proche de lui pour constituer une liste aux Européennes capable de rassembler largement. Il s’agit pour lui d’éviter la fuite des centristes d’Agir et de l’UDI vers les concurrents "Les Républicains".
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14 septembre 2018
SOUTIEN ET EXIGENCE
Une interview de François BAYROU dans le Figaro du 13 Septembre 2018
LE FIGARO - Marc Fesneau, candidat MoDem pour le perchoir, a obtenu 86 voix. Soit le double des voix du groupe MoDem à l'Assemblée. Comment analysez-vous ce vote ?
François BAYROU. - C'est un magnifique score qui traduit une estime personnelle pour Marc Fesneau et qui valide une démarche politique. Cela montre que loyauté et indépendance peuvent marcher de pair. Quand le groupe MoDem à l'Assemblée a décidé à l'unanimité de présenter la candidature de Marc, tous les messages reçus traduisaient une attente: que dans la majorité des voix libres puissent se faire entendre, pour que soit retrouvé l'élan du projet initial porté par Emmanuel Macron.
Jean-Louis Bourlanges a dénoncé le manque de considération de LaREM ? Le formuleriez-vous de la même manière ?
Cette exigence de respect, de travail réellement partagé, elle ne peut pas être discutée. Le groupe MoDem a été, est et sera d'une parfaite loyauté à l'intérieur de la majorité, mais aujourd'hui, comme beaucoup de Français qui ont voté Emmanuel Macron en 2017, le MoDem a le souci et la volonté de retrouver la promesse de l'élection présidentielle. D'une part l'énergie et l'optimisme pour changer ce qui doit l'être, y compris les pratiques politiques ; d'autre part l'engagement d'inventer un modèle de société qui soit «en même temps» réaliste et généreux. Les derniers mois, cette promesse a paru s'éloigner: on a eu le sentiment que la nécessaire exigence gestionnaire effaçait le besoin d'un horizon et d'un sens pour l'action.
Comment l'expliquez-vous ?
Beaucoup de politiques vivent dans l'idée que l'élection d'Emmanuel Macron a été un accident et attendent impatiemment qu'on en revienne au passé. Je pense exactement le contraire. L'élection d'Emmanuel Macron a été un moment historique, en ce sens qu'elle a révélé l'attente profonde, souvent inexprimée, d'un pays qui ne se retrouvait plus, ni dans le modèle politique ni dans le modèle de société qu'on lui proposait.
Un an après l'élection présidentielle, êtes-vous déçu par Emmanuel Macron ?
Quel naïf pouvait croire que les choses seraient faciles ? En tout cas, pas moi ! Mais je ne perds jamais de vue, pas une seule seconde, que cet homme jeune élu par temps d'orage, et que nous avons aidé à faire élire, est la seule chance pour que le modèle politique français ne dérive pas vers un pays définitivement fracturé.
Comment définissez-vous le rôle du MoDem alors ?
Nous serons entendus, mais non pas en raison d'accords d'appareils, mais uniquement parce que nous disons et dirons des choses fortes et justes. C'est ainsi que nous lutterons contre le sentiment de décrochage chez les Français. Rien n'est plus important pour moi que de voir le président retrouver avec les Français l'élan du printemps 2017. Cet élan, ce n'était pas une fausse promesse! C'était le fond de sa nature, telle que je la perçois: libre face à l'univers technocratique et aux lobbys, un homme qui ne veut pas baisser les bras.
Pourquoi ne perçoit-on plus cet élan ?
Les Français ne voient plus bien où conduisent les réformes qui sont successivement proposées. Or il ne s'agit pas de traiter des dossiers les uns après les autres, mais de construire une société et de retrouver un pays. Il existe une exception heureuse: la politique de l'Education nationale. Là, on voit où l'on va, et les Français adhèrent. J'espère et je crois qu'il peut en être de même pour la lutte contre la pauvreté. Mais dans le nombre de ces réformes, la responsabilité précise du président de la République est de donner une ligne directrice, de dire ce qui relie les décisions qui sont prises, d'expliquer le fil conducteur.
Mais l'Affaire Benalla a mis en lumière un exercice du pouvoir très solitaire…
Croire que l'on peut être hégémonique dans un monde aussi complexe et instable que celui dans lequel nous vivons, ce serait une stupidité et une très grande naïveté. On a au contraire besoin d'élargir la base sur laquelle on s'appuie, et pas de la restreindre. On a besoin d'écouter, pas de faire taire. Tout pouvoir doit trouver des partenaires, une base qui fait confiance, et face à lui des corps de contrôle.
Gérard Collomb a jugé nécessaire de faire preuve de plus «humilité». Vous aussi ?
Il a traduit avec ses mots un sentiment dont vous voyez qu'il est proche du mien.
Richard Ferrand, président de l'Assemblée, a laissé entendre qu'il ne démissionnerait pas s'il était mis en examen. N'est-ce pas perdre de vue une des promesses du macronisme ?
Il y a deux éléments à prendre en compte: bien sûr une mise en examen n'est pas une condamnation, et ce serait manquer aux principes que de la regarder comme telle. Mais nous vivons dans une démocratie d'opinion qui met en péril, dans une situation comme celle-là, l'exercice serein des responsabilités.
Voudriez-vous réintégrer le gouvernement ?
Nullement.
Et devenir premier ministre ?
Pour moi, c'est clair: la logique des institutions, l'acquisition progressive de l'expérience de gouvernement, tout cela conduit à ce que le premier ministre dure cinq ans. On a bien vu avec les gouvernements précédents que les changements fréquents étaient un signe de faiblesse.
Le MoDem compte-t-il présenter une liste aux européennes ?
Pour moi, l'enjeu impose de rassembler ! Nous devons construire une liste unique avec LaREM à condition que nous nous mettions d'accord précisément sur les grands choix et sur le profil des candidats. Cela impose un vrai travail en commun.
Le MoDem demanderait-il la tête de liste ?
Non. Quand on aura fait ce travail, il faudra trouver la meilleure ou le meilleur pour être figure de proue, sans distinction d'étiquettes.
Cette liste pourrait-elle intégrer les juppéistes ?
Plus on rassemble, et mieux c'est ! Surtout avec des sensibilités dont on est proche. Cela permet de garder une cohérence d'ensemble. Mais surtout, il nous faut inventer une démarche qui enfin inclue les peuples citoyens dans le projet ! J'ai d'ailleurs beaucoup aimé l'expression d'Emmanuel Macron «le retour des peuples». Au long des dernières décennies, le peuple des citoyens a eu le sentiment que le pouvoir était tenu en lisière par des prétendues élites. Les peuples ne sont naturellement ni racistes, ni xénophobes, ni stupides. Simplement ils demandent à comprendre où on va.
Ça explique pour vous cette montée des «populismes» partout en Europe face aux «progressistes» ?
Le «populisme», je n'aime pas cette expression. Je ne leur concède pas le peuple. Il y a un clivage qui dit la vérité de ces choix: c'est le clivage «démocrates» contre «démagogues». Et je suis d'accord avec ce qu'a dit Edouard Philippe: pour la première fois la question de l'Europe, ce sera «to be or not to be».
Emmanuel Macron installe un duel avec Viktor Orban et Matteo Salvini. C'est la bonne stratégie, selon vous ?
Orban, Salvini et ceux qui les suivent, il faut voir ce qu'ils sont: ils sont une trahison de nos raisons de vivre, ils sont la négation de la civilisation européenne. Pour gagner des voix, ils ont décidé de franchir les limites fixées depuis la guerre par tous les responsables européens, eux qui avaient fait l'expérience mortelle de la haine envers celui que ne vous ressemble pas.
Vous auriez voté la procédure du Parlement européen contre la Hongrie ?
Oui, naturellement. Profaner ce que nous avons en commun mérite lutte et mobilisation.
Macron n'a pas dit où siégeraient les députés européens de LaREM. Pouvez-vous siéger dans un même groupe ?
Je me suis toujours battu pour que le centre européen se rassemble et se structure, sur des valeurs de démocratie et de justice. Nous avons vocation à nous rassembler pour travailler ensemble.
Emmanuel Macron n'est-il pas plus isolé qu'il y a un an sur la scène européenne ?
Pour tout le monde en Europe, l'élection d'Emmanuel Macron a marqué le retour de la France. Quand on porte un projet, si ce projet est juste et fort, on n'est jamais seul.
13:31 Publié dans TRIBUNE LIBRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mouvement démocrate, politique